Après cinq jours de
démonstrations militaires sur terre, sur l'eau et dans les
airs, Fréjus s'apprête à retrouver sa quiétude, ce soir. «
Et Dieu sait si l'on crée des complications dans la fluidité
du trafic routier », avouait le général Bertrand
Clément-Bollée, hier au briefing d'avant-manoeuvre.
Remerciant la ville et la préfecture, le commandant de la 6e
Brigade légère blindée a confié : « Il est d'autant plus
facile de prendre une ville qu'elle y est préparée. »
Malheureusement, et
l'état-major en avait presque la larme à l'oeil,
l'opération Anvil 08 a fait un « mort » et deux «
blessés » à Port-Fréjus. Beaucoup plus dans l'attaque
d'une position terroriste à Fréjus-plage, près de la
voie de chemin de fer. Ainsi l'avait défini le scénario
de reconquête d'une ville (Fréjus) aux mains de milices
paramilitaires. Sous mandat fictif de l'ONU, l'armée
française devait aussi extraire des ressortissants
menacés dans une zone minière diamantifère de La Motte.
Missions accomplies.
Le contre-amiral Loïc
Raffaëlli, commandant la force d'action navale, a salué
« la richesse et l'efficacité de l'approche interarmées.
La fraternité d'armes est un socle essentiel, garant de
nos succès futurs ». « Des événements récents comme
l'attaque du Ponant ou l'évacuation de 1 700
ressortissants français de N'Djamena, montrent l'utilité
de cet exercice », a complété le colonel Clément-Bollée,
pour l'armée de Terre.
PC de
commandement de circonstance
Avant d'en venir aux batailles
de rues, les autorités (lire repères) ont visité le
poste de commandement de circonstance, installé au 21e
RIMa. Démontable en six heures, bourré d'informatique,
il conduit la manoeuvre en cours grâce à des cartes
numériques rafraîchies tous les quarts d'heure en zone
urbaine. Unités alliées et ennemies sont précisément
référencées.
Plus tard, dans le PC du
régiment installé à la Base nature, le colonel Xavier
Collignon (21e RIMa) avouera utiliser le logiciel Google
Earth pour cartographier l'espace de bataille. La
représentation des bâtiments en 3D permet notamment de
faciliter le positionnement de tireurs d'élite.
Au groupement de
soutien logistique
À l'embouchure du Reyran, le
camp marin est devenu groupement de soutien logistique,
pour les besoins de l'opération. Ici sont reçus les
approvisionnements maritimes (eau, munitions...) depuis
les bâtiments projetés. Ici, une trentaine de
mécaniciens réparent les véhicules endommagés. Ici
aussi, on recense les civils : cinq postes de saisie
permettent d'enregistrer 2 500 personnes par jour, à qui
on attribue un numéro d'identification par code-barres.
Une liaison avec le ministère des Affaires étrangères
permettra d'informer les familles.
Ici enfin, on soigne dans
l'antenne chirurgicale aéro-transportable. Uniquement
des cas très préoccupants, qui ne survivraient pas dans
le temps de transit vers l'hôpital du BPC Tonnerre.
Celui-ci, avec ses deux salles d'opération stériles, sa
salle de radiologie, son scanner, son cabinet dentaire,
son laboratoire de pneumologie et sa morgue, est le plus
grand embarqué sur un navire de la Marine nationale (900
m2).
Affrontements en
milieu urbain
Dans la rue Frédéric-Mistral
enfin, l'escarmouche. Des preneurs d'otages sont repérés
derrière l'immeuble Le Drakkar. Déplacements successifs
de trinômes armés, verrouillage du no man's land : un
échange de balles (à blanc) est interrompu par
l'intervention d'un char AMX-10 RC. Le feu est nourri,
un soldat souffre de (fausses) plaies ouvertes, à la
cuisse et à la face. Un véhicule de l'avant blindé
sanitaire vient le récupérer.
Scènes de guerre en milieu
urbain, la population est impressionnée : « C'est même
un peu inquiétant quand ces soldats nous visent
involontairement », lâche Marie-France Kaniasty, une
voisine. « Voir les soldats à l'oeuvre, c'est une autre
approche de l'armée pour la population, complète
Salvatore Porcelli, spectateur. Le coût engendré ne me
dérange pas du tout, il faut bien qu'ils s'entraînent. »
« La population est de moins en moins surprise car ce
n'est pas le premier exercice de ce type à Fréjus »,
conclut le sénateur maire Élie Brun.
Parmi les
personnalités qui ont assisté hier à l'exercice Anvil 08
:
le général
Christian Damay, commandant du corps de réaction rapide
; le général Patrick De Rousiers, commandant la défense
aérienne et les opérations aériennes ; le vice-amiral
d'escadre Philippe Sautter ; les généraux Alain Gentric
et Jean-Paul Thonier, adjoints au commandant de la force
d'action terrestre ; le vice-amiral Loïc Raffaëlli
(force d'action navale) et le général Bertrand
Clément-Bollée (armée de Terre), commandant l'opération
; Élie Brun, sénateur maire de Fréjus ; Xavier Barrois,
directeur de cabinet du préfet du Var, etc.
repères /
Sylvain Mouhot / Var-Matin