Ce lundi 22 mars, minuit, cela fait un mois, jour pour jour, que le Tonnerre a quitté Toulon. Le groupe amphibie Jeanne d’Arc s’apprête à effectuer une traversée mythique : celle du canal de Suez. Pour le Tonnerre, c’est une grande première.
Avant d’ « embouquer » le canal, Tonnerre et Georges Leygues ont rendez-vous dès dimanche après-midi à Port Saïd, port devant lequel les navires sont pris en charge par un premier pilote égyptien. Au total, quatre pilotes se relaient tout au long des 190,25 km qui séparent Port Saïd de Suez. Pour l’occasion, l’officier égyptien en formation à bord du Tonnerre fait office d’officier de liaison. « J’ai aidé à faciliter le dialogue en passerelle avec les autorités du port, explique le lieutenant de vaisseau Haytham Ragab. Nous n’avons eu que trois pilotes, car le vent s’est levé à la sortie de Suez et les « pilotines » n’auraient pas pu accéder au Tonnerre pour le ramener à quai. Le troisième pilote a simplement indiqué au chef du quart la manœuvre à effectuer pour sortir du canal en toute sérénité. »
La traversée est organisée en convoi dans les deux sens de circulation. Les porte- containers, agglutinés dans une zone de mouillage prédéfinie, attendent leur tour. La procédure est très encadrée par les autorités du canal de Suez.
2h45 lundi matin, le Georges Leygues, puis le Tonnerre entament leur descente vers la mer Rouge. A 9h, le groupe amphibie Jeanne d’Arc atteint la zone de mouillage qui lui est dédiée dans le Lac Amer, afin de permettre au convoi remontant vers Port-Saïd de croiser le convoi descendant. Le canal de Suez est bien au centre des échanges économiques mondiaux : en atteste la densité du trafic rencontré. Pendant plus de deux heures, des dizaines de porte-conteneurs, pétroliers de toutes tailles se succèdent en file indienne.
L’accès à la coursive extérieure bâbord est autorisé pendant le franchissement du canal, mais l’activité des officiers en formation, comme pour le reste du bord, se poursuit. En zone état-major, les élèves de Saint-Cyr présentent le fonctionnement du canon de 12.7 mm à leurs camarades de l’Ecole navale. Dans les coursives, d’autres élèves participent à un exercice « sécurité », harnachés de tout l’équipement des pompiers. « Nous n’avons pas vraiment pu profiter du paysage… Heureusement, nous avons vu la sortie de Suez cet après-midi, indique l’EV2 Amanda Pfeiffert.»
« Pour moi, c’est une journée à la maison, s’amuse le lieutenant de vaisseau Ragab. J’en ai même profité pour me délester d’une valise. J’avais surestimé ma quantité de bagages en arrivant en France... » A bord, nombreux sont ceux qui n’ont jamais franchi Suez. « Je ne m’attendais pas du tout à ce type de panoramas, explique l’EV2 Aurélie Dumont, les abords du canal sont très industrialisés. ». Les étendues de sable succèdent à quelques zones urbanisées. « Ce que j’ai tout de suite remarqué, indique le soldat de première classe Damien Doumy du 5ème régiment d’hélicoptères de combat de Pau, c’est que d’un côté c’est boisé, il y a des maisons alors que l’autre est tout à fait désertique. » En effet, le canal, qui délimite la frontière entre l’Afrique et l’Asie, est bordé à l’est par le désert du Sinaï alors qu’à l’ouest la proximité du Nil favorise le développement de la végétation et l’implantation d’activités humaines.
Ce passage en Egypte n’a duré que douze heures, mais l’effervescence à bord est palpable. « C’est maintenant que la mission commence vraiment ! Souligne l’EV2 Pfeiffert ».