Mercredi 21 mai 2008, il est 8 heures. Un séisme de moyenne amplitude ébranle la zone portuaire de Marseille et l’ensemble de l’arc marseillais. La catastrophe entraîne la destruction de nombreux bâtiments. Le standard des pompiers est débordé d’appels, c’est la panique. Les marins pompiers partent immédiatement en reconnaissance et constatent que toutes les voix de circulation sont coupées, impossible pour les secours d’atteindre les sites isolés. Rassurez-vous, tout cela n’est qu’une simulation !
C’est le scénario catastrophe imaginé dans le cadre d’un d’exercice maritime franco-marocain d’assistance aux populations sinistrées. Cette simulation, appelée Dirtex, s’inscrit dans un ensemble d’exercices de coopération entre la France et le Maroc, nom de code « Chebec », du nom d’une embarcation traditionnelle marocaine.
L’exercice met en adéquation les moyens des marins pompiers, de la Marine nationale, des sapeurs pompiers et de la Marine royale marocaine. Il se déroule tous les ans au mois de mai depuis 12 ans et s’étalera cette année du 15 au 31 mai.

« Nous n’étions pas préparés à une telle catastrophe »

« L’objectif de Dirtex est de simuler une situation de crise multi-sites, pour laquelle les voix de circulation terrestres sont coupées et le seul moyen d’intervenir serait la voix aérienne », explique le capitaine Le Bigot des marins pompiers.
La composante Dirtex a été intégrée en 2004 au dispositif « Chebec ». Cette année-là, un séisme de magnitude 6,5 sur l’échelle de Richter avait dévasté la province portuaire d’Al Hoceima, au nord-est du Maroc. Bilan : 628 morts, 926 blessés et plus de 15 000 sans-abri. « A l’époque, nous avons été surpris. Nous avions organisé les secours avec les moyens du bord sans véritable coordination. Nous n’étions pas préparés à une telle catastrophe », déplore le capitaine de frégate Rabeh, de la Marine royale marocaine et codirecteur de l’exercice « Chebec », et d’ajouter « il s’agit d’un exercice très important pour nous, car si une catastrophe telle que celle d’Al Hoceima venait à se reproduire, nous serions prêts à mobiliser des moyens importants et coordonnés, nous serions extrêmement efficaces ».
Les moyens mis en œuvre dans le cadre de cette coopération ont déjà fait leurs preuves sur des catastrophes majeures. La dernière en date : le tremblement de terre qui a ébranlé l’Indonésie en 2006.

« Le Tonnerre est un véritable hôpital sur mer »

Pour l’heure, les victimes (fictives) du séisme attendent les secours sous les décombres d’une bâtisse située sur les hauteurs du vallon de la Mûre. Le bâtiment de projection et commandement (BPC) Tonnerre, la frégate Germinale de la Marine nationale ainsi que la frégate Hassan II de la Marine royale marocaine croisent au large des côtes marseillaises. Ces bâtiments, ainsi que leurs moyens humains et matériels sont immédiatement mobilisés pour venir en aide aux victimes.
Un premier hélicoptère, un « Panthère » marocain, se pose enfin sur les hauteurs du vallon de la Mûre. A son bord, une première équipe vient évaluer la situation. Elle inspecte les lieux, dresse un bilan des victimes pour déterminer le degré de gravité. Elles sont classifiées : les décès, les urgences absolues, les urgences relatives et les victimes impliquées.
Dans la bâtisse effondrée et ses alentours, ce sont 16 personnes, plus ou moins grièvement blessées que les secours devront prendre en charge. Ce premier bilan est immédiatement communiqué au poste de commandement situé sur le Tonnerre, qui mouille à quelques milles au large du port de L’Estaque. Ainsi, en quelques minutes, les moyens adéquats sont déployés.
Un deuxième hélicoptère arrive sur les lieux, un « Super Frelon » de la Marine nationale. A son bord, des médecins, du matériel médical, une équipe cynotechnique des marins pompiers de Marseille. En même temps, une équipe de la cellule sauvetage-déblaiement des sapeurs-pompiers arrive par voie terrestre. Les premières victimes sont prises en charge par les médecins pendant que la recherche d’éventuelles personnes ensevelies se poursuit.
Petit à petit, les blessés sont héliportés vers le Tonnerre pour y être médicalisés. Le navire n’est autre que le frère jumeau du Mistral, qui mouille actuellement au large des côtes birmanes. « Le Tonnerre est un véritable hôpital sur mer, c’est le plus gros bloc médicalisé d’Europe », souligne l’enseigne de vaisseau Thierry De Lorme, officier de communication des marins pompiers. A son bord, des médecins et chirurgiens prennent en charge les victimes.
Au total, pas moins de 345 hommes, 3 navires et 4 hélicoptères auront été mobilisés par la France et le Maroc pour cette opération. Une mobilisation exceptionnelle pour une situation qui ne l’est pas moins. Des bâtiments de guerre au service de la vie.

HASSEN MEDINI / Photo Migué Mariot